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Les sportives hyperandrogynes gagnent le droit de concourir

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La sprinteuse Dutee Chand (en rose) au départ d'un 100 m

La sprinteuse Dutee Chand (en rose) au départ d'un 100 m

Les femmes hyperandrogynes ne sont pas plus prédisposées à la performance sportive que les autres… jusqu’à preuve du contraire ! C’est la décision provisoire rendue lundi par le Tribunal Arbitral du Sport qui donne deux ans à l'Association internationale des fédérations d'athlétisme pour revoir sa copie: soumettre des preuves scientifiques à propos de la relation entre des taux de testostérone augmentés et une performance athlétique améliorée chez les sportives présentant une production naturelle excessive d’hormones mâles. En attendant, le Règlement applicable à l’hyperandrogénie de l’IAAF est suspendu et en l’absence de nouveaux éléments, il sera annulé en 2017.

La science plutôt que l’éthique

Le TAS a donné l’autorisation de reprendre son activité à Dutee Chand, une sprinteuse indienne de 19 ans interdite de compétitions après des tests médicaux l'an dernier, et par jurisprudence, ce sont toutes les athlètes hyperandrogynes qui gagnent ainsi le droit de concourir. Pas de quoi, pourtant, réjouir ceux qui voyaient dans ce règlement une atteinte à la dignité de ces femmes. De manière inattendue, le volet scientifique a en effet supplanté le volet éthique dans le cheminement vers cette décision. Chand avait bien fait valoir divers aspects discriminants du règlement en cours : stigmatisation des femmes pénalisées, dommages psychologiques graves sur l’estime de soi et l’identité sexuelle, procédures médicales non nécessaires avec des effets secondaires à long terme, impossibilité de garder le secret médical sur les cas détectés, etc. Mais ce sont finalement les arguments scientifiques – ou plutôt leurs insuffisances – qui ont conduit le jury à sa conclusion.

Il a été rappelé lors des débats que tout le monde était bien conscient de la difficulté qu’a l’IAAF à concilier une organisation des compétitions sur un mode binaire homme – femme avec la réalité biologique d’un continuum entre les deux sexes sans démarcation claire et définitive. Les tests de féminités, instaurés en 1967 après un demi-siècle de controverses, puis abandonnés dans les années 90, avaient été rappelés en 2009 à la rescousse du cas Caster Semenya, demi-fondeuse sud-africaine de 18 ans qui écrasa de tous ses muscles la finale du 800 m des championnats du monde de Berlin.

Normalisation

Un groupe de travail d’experts avait été réuni dans la foulée pour évaluer les dimensions médicales, mais aussi éthiques et juridiques du dossier. Puis, de symposium en réunions en collaboration avec le Comité International Olympique, avec un investissement et des précautions saluées par le TAS, l’athlétisme est devenu en avril 2011 le premier sport à établir des statuts sur l’hyperandrogénie. Ce règlement effaçait désormais dans ses règles « toute référence à la terminologie gender verification et gender policy » (en anglais dans le texte). Les notes explicatives indiquaient que lorsqu’un « cas potentiel » était signalé, une évaluation médicale devait être pratiquée. L’athlète pouvait concourir dans une épreuve féminine « si ses niveaux d'androgènes sont inférieurs aux valeurs enregistrées chez les hommes ou s'ils se situent dans la fourchette en question qu'elle n'en retire aucun avantage pour la compétition ».

Ces niveaux étaient quantifiés par une concentration sérique de testostérone inférieure ou égale à 10 nmol/L. Pour pouvoir continuer à pratiquer le sport de compétition, l’athlète était invitée à « normaliser ses niveaux » en suivant « un traitement en vue de soigner l’origine de son hyperandrogénie ». Ce qu’a refusé en bloc Dutee Chand, au contraire de Semenya. En pratique, cette thérapie détaillée dans un article scientifique par un groupe d'expert désignés par l'IAAF, a consisté en une clitoridectomie (ablation du clitoris) partielle avec une gonadectomie bilatérale (ablation des testicules), suivie d’une vaginoplastie féminisante et d’une médication par remplacement d’œstrogènes. De quoi faire hurler ceux qui estiment que les sportives hyperandrogynes doivent être acceptées telles qu’elles sont.

10 nmol/L

Or, c’est cette limite arbitraire des 10 nmol/L qui a cristallisé les débats. La mise en place du Passeport Biologique des Athlètes lors des Mondiaux de Daegu en 2011 a permis de dresser le profil hormonal des meilleures athlètes de la planète et de constater que le taux de testostérone médian des 849 participantes était de 0,69 nmol/L pour des valeurs allant de 0,1 à 29,3 nmol/L. Dans ce panel, 19 femmes présentaient un taux supérieur à 3 nmol/L et ont donc fait l’objet d’une attention particulière par les médecins préposés aux contrôles antidopage. Il s’est avéré que 5 avaient pris des stéroïdes et que 5 autres présentaient des Troubles du Développement Sexuel, dont une avait même dopé sa nature avec des anabolisants…

Le taux de testosterone de Chand n’a pas été établi, et selon nos informations, celle de Caster Semenya était de 6 nmol/L. C’est moins que les valeurs de référence chez les hommes : entre 8 et 28 nmol/L avec bien sûr des cas en deçà et au dessus de cette division. Chand, finaliste du 100 m aux championnats du monde cadets en 2013, est plus petite (1 m 62) que la moyenne des sprinteuses de classe mondiale (1 m 70), mais est déjà aussi forte avec un record en squat à 150 kg. « Beaucoup sont soit plus grandes, soit viennent d’un milieu plus favorisé que le mien, des choses qui leur donnent très certainement un avantage sur moi », a-t-elle argumenté. Une testostérone élevée chez la femme serait alors perçue comme un talent comme un autre, au même titre que la typologie des fibres musculaire ou la VO2 max sur lesquels ne pèse aucune règlementation, pas plus le taux de testostérone chez les athlètes masculins !

Statistiques

Il est ressorti des débats que l’IAAF n’avait « pas manqué à ses devoirs » en mettant en place un règlement sur l’hyperandrogénie, que le TAS a jugé « nécessaire et adapté à son objectif légitime d’organiser des compétitions équitables d’athlétisme féminin ». On pensait que l’aspect éthique de l’affaire ferait pencher la balance tant les arguments scientifiques apportés par les experts de l’IAAF paraissaient stables :

  • D’après les données des mondiaux de Daegu, 7 athlètes pour 1000 étaient concernées par l’hyperandrogénie, une représentation 140 fois supérieure à la population générale qui est de 1 pour 20 000.
  • Parmi les 156 athlètes actuellement suspendues pour dopage, 100 ont pris des anabolisants androgéniques, dont de la testostérone dans 57 cas, substance qui est donc la drogue préférée des tricheuses.
  • La différence entre 1,5 nmol/L (soit un taux de testostérone moyen pour une femme) et 15 nmol/L (un taux typique d’hyperandrogénie) correspondrait à un gain de 3 % dans les performances sportives. Soit environ une perte d’environ 3 dixièmes sur 100 m ou 3 secondes sur 800 m. C’est aussi ce qu’ont perdu les athlètes hyperandrogynes après traitement.

Pourtant le TAS estime qu’en l’état actuel des connaissances, il n’est pas prouvé que la testostérone endogène sécrétée naturellement par les athlètes ayant une condition génétique rare procure un avantage similaire au dopage à la testostérone exogène. Il a donc recommandé des recherches supplémentaires, avec un nombre conséquent de sujets, par exemple que soit exploitée la base de données du Passeport Biologique de Daegu pour comparer niveaux de performances et niveaux de testostérone. Pourraient s’ajouter à ces statistiques celle des derniers championnats du monde à Moscou en 2013 au cours desquels ont été détectés des taux record de testostérone de 28 et 43 nmol/L ! Lors des mondiaux à Pékin ce mois d’août, évolueront donc ni vues ni connues des hyperandrogynes qui pourraient être de plus en plus nombreuses, en l’absence de réglementation, à participer aux futures compétitions internationales.

 

Note : dans ses textes officiels en français, l'IAAF n'emploie pas de forme d'adjectifs pour l'hyperandrogénie, j'ai choisi dans ce texte "hyperandrogyne" mais un autre néologisme "hyperandrogénique" serait peut-être plus approprié?












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